mardi 3 mars 2009

Jounal EX-Time ( 2)

Au désert, du LXIIe jour de l'an - J'essaye de réorganiser le cours de ma vie quotidienne selon le rythme et les critères antéspectaculaires qui prévalaient toujours lorsque la conscience réflexive se manifesta soudain en moi au début des années 70, en un temps où, encore, le quantitatif n'avait pas, en tout et pour tout, anéanti le qualitatif.
Alors cheminer signifiait quelque chose en quoi il fallait mettre soin, attention et patience. Il y avait, entre les êtres, les choses et les idées, assez d'espace -mais aussi de temps- pour que chacune des parties puisse se développer en sa plénitude achevée. On n'avait pas, encore, tout à fait réduit la pensée à cette chose déjetée, morte avortée à peine conçue. Pour ceux qui "pensaient", les communications, plus rares, restaient le fait d'un véritable souci de transmettre quelque chose de solide et valide à "se mettre sous la dent". Et la technique dont disposaient ces conjonctions spirituelles n'avait pas outrepassé son statut de simple "moyen" contingent. Le contenant n'avait pas annexé ni délogé le contenu et l'on savait fort bien faire la différence entre une oeuvre achevée, dans l'art, et de simples éléments disparates qui ne composaient, tels quels, rien d'autre qu'un fragment à peu près insignifiant, lequel jamais alors n'aurait été estimé apte à se produire, en un tel état.
L'échange de signes dans la littérature s'effectuait au sein d'une hierarchie qualitative qui laissait au mot "valeur" sa pleine injonction -et même encore quand cette valeur baissait beaucoup (et ceci à peu près jusqu'à la fin des années 80, où tout finit). On ne disait pas "tout à tous", précisément parce qu'on souhaitait d'abord de dire quelque chose à quelques uns. Et cette divinité nouvelle, cette imposture du "TOUT à TOUS" eut semblé alors, dans l'art du moins, une tartuferie digne des systèmes totalitaires d'ailleurs encore en place et de leur pseudo-art où, en fait, c'était le "Rien à personne" qui saturait et nolisait tous les reseaux de communications. Il eut été impensable alors de prédire que tout cela allait, 35 ans plus tard, s'appliquer en définitive à toute la planète, se mondialiser et s'uniciser, avec un succès franc et massif, délirant.
Pauvres chemins solitaires, voies de traverses, sentiers des bois, pistes à flanc de montagnes, parcourus à vitesse humaine dans l'excellence solitaire, vous étiez alors le cheminement vrai de l'homme qui évolue en sa pensée et sur cette terre, poursuivant au rythme de la marche songeuse la longue parturition d'une oeuvre, insouciante absolument de toute autre chose que de sa pleine maturation, et d'une qualité qui satisfasse son auteur.
C'était un choix très humain que de s'écarter dans ces sentes lointaines et solitaires : car c'était pour mieux y reconstituer, à travers l'unicité d'une oeuvre, l'humaine commune mesure. Et du particulier, toujours, rejoindre à l'universel, en l'évoquant selon les meilleures exigences et, ainsi, participant à son élévation.
Mettre au monde est un labeur long et lent. C'est aussi une activité essentiellement interne. Mais cette activité intérieure se génère encore selon les conditions extérieures : il s'agit alors d'un choix de vie dans lequel bien des choses factices et creuses doivent résolument être écartées. Dans ce cheminement en profondeurs vers la vérité telle qu'elle jaillira à la Lumière avec l'oeuvre enfin achevée, le chemin, précisément, fait déjà partie intégre de cette vérité; et celle-ci ne s'obtient qu'autant que celui là aura été pur en sa secrète démarche.


Salut de Paix,

B*D*

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