jeudi 5 mars 2009

Journal Extime (3)

L'envers de la tapisserie.
Au désert, du LXVe jour de l'an 09 -- Impossible de même songer à écrire un livre aujourd'hui, sans que celui-ci ne soit cette chose, où, tout ce qu'il ne faudrait pas dire, ne se trouve explicité, jusqu'en ses terminaisons les plus inavouables. Si littérature il peut y avoir encore, celle-ci doit exprimer tout ce qu'il serait fort convenable de taire. Il ne s'agit que de s'installer avec armes et bagages vis-à-vis de ce monde, en contemplateur et contempteur, et mater son aspect d'épouvante ordinaire en mettant des mots à mitraille sur cette béance, descendre en à-pic dans ces platitutes, les sonder toutes au fil d'acier, suivre ces traces qui font mine de se perdre et de se dissoudre dans l'atmosphère pulvérulente d'une époque éperdue.
Derrière l'apparente foire d'empoigne sociale du quotidien, derrière ces moments d'éclats et de pseudo-rupture où l'illusion "que quelque chose se passe" nous maintient dans la passivité torpide de celui qui assiste et "regarde toujours", se tient tapie une toute autre réalité, une désolation farouche et commune qui est comme le fond même où s'adossent nos jours fantômes qu'on fusille sans bruit. Un fond au contact duquel la terreur nous prend et nous maintient roides, et c'est dans et par cette prise, cet étranglement de ténèbres dont nous ne voudrions pourtant rien savoir, ni -surtout- rien entendre dire ni lire (à plus forte raison le réquisitoire trop vaste d'un récit, d'un livre), que nous nous tenons englués dans l'aveuglement, le tatonnement effaré, les étranges fièvres viscérales, la sensation lugubre d'un enterrement vivant...
Le Regard qui pourrait ouvrir et désarticuler ces sépultures profondes en lesquelles nous "gisons nos vies" est à réinventer, et ceci furieusement. Ce Regard de visions qui est d'abord un retour sur soi, une réintégration souveraine, c'est l'oeuvre d'une littérature qui ne s'attache plus qu'à travailler à coeur-ouvert ce monde sans coeur, à dévoiler et détruire le secret de cet empire de surface qui claironne si péremptoirement n'avoir plus de secret(s).
Car tout est caché ici bas et maintenant. Pour masquer cela : faire croire bien sûr inversement que tout est dit et que tout se dit à mesure; organiser l'illusion de la transparence intégrale partout et en tout et, donc, en conséquence, qu'il ne saurait plus y avoir d'issue à ce monde sans issue qu'un désespoir muet et morne; voilà le Grand Mensonge auquel la littérature qui vient devra opposer le scandale lumineux de son "grand style", ses prestiges réviviscents, et sa force invocatoire de tempète.
Et se poser et proposer en ennemie absolue de l'ordre des choses, lequel n'est qu'un désordre paroxystique maintenu par cette force abitraire qu'est l'ordre du présent pouvoir. Tout ceci changera.
Salut de Paix,
BD

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